Deklarasyon Mèt Leon Manus


[ Kesyon Moun Mande Anpil ]



Guy S. Antoine afiche mesaj sa, jou 21 Jwen 2000 a 16:35:40:

M ap pase nou yon mesaj an franse, paske se kousa nouvèl la prezante e nouvèl la cho pou peyi a. Mwen envite nou fè tout refleksyon sou bagay sa an kreyòl kòmalòdinè.


DECLARATION DE Me LEON MANUS

21 Juin 2000

Au mois de mars 1999, sur demandes réitérées et insistantes du Président de la République, et après mûres réflexions, j'ai accepté avec d'autres citoyennes et citoyens haïtiens d'être membre d'un ultime Conseil Electoral Provisoire chargé d'organiser à l'échelle nationale des élections libres, honnêtes et démocratiques pour tous les postes électifs en Haïti, à l'exception des postes de huit sénateurs et de celui de Président de la République.

Compte tenu de la situation critique de mon pays et présumant que mon expérience et ma réputation de citoyen honnête et intègre pouvaient faire une différence dans l'organisation de ces joutes électorales, j'ai accepté de sortir de ma retraite pour me mettre au service de mon pays et d'apporter ainsi ma contribution à ce que je considérais et continue de considérer comme une mission hautement patriotique. Quand mes collègues du CEP m'ont fait bénéficier de l'éminent privilège de présider cette haute institution, je me suis engagé sur l'honneur à ne pas démériter de leur confiance et à ne pas décevoir le peuple haïtien. N'appartenant à aucun parti politique et n'étant au service d'aucun clan ou faction, je me suis donc engagé résolument au service de ma patrie.

Les difficultés ont surgi dès les premiers pas du Conseil. Des problèmes d'ordre technique, administratif et financier ajoutés à des faiblesses inhérentes à la structure même de l'institution électorale ne nous ont pas permis de respecter le calendrier initial. En outre, même si le CEP est un organisme indépendant, il doit compter sur la coopération active des pouvoirs publics pour le bon accomplissement d'une partie importante de sa mission: la dotation budgétaire, l'accès aux médias d'état, la mise en place des mesures de sécurité tant pour les électeurs que pour les candidats.

Dans la réalité, le CEP a du faire face très tôt à l'incompréhension des uns, la mauvaise foi des autres, et souvent, au manque de coopération des instances gouvernementales et ceci a son plus haut niveau. Même l'assistance internationale sollicitée par le Conseil était considérée avec suspicion par les pouvoirs publics. Par conséquent, l'environnement dans lequel le CEP était contraint d'opérer à souvent été piégé d'embûches et d'hostilités. Les calomnies et menaces tombaient à profusion, les unes ouvertes, les autres plus subtiles, orchestrées le plus souvent par et à travers les médias d'état.

J'ai enduré tout cela avec sérénité et patriotisme. Mon honneur et ma dignité ont été souvent mis à rude épreuve. J'ai toujours pensé que si à la fin du processus mon pays finissait, grâce à l'action du CEP, par être doté d'institutions sérieuses et légitimes, aucun prix ne devait être considéré comme trop élevé.

La journée du 21 mai a été pour le CEP et le pays tout entier un motif de grande satisfaction. Contrairement aux pronostics, tout s'est déroulé dans le calme et malgré certains retards et des problèmes logistiques liés à la lourdeur et au manque de rôdage de certaines pièces de la machine électorale, les critiques les plus intraitables tant nationaux qu'étrangers ont dû reconnaître que la journée et le vote du 21 mai ont été un succès.

Gloire et Honneur au peuple Haïtien!

Cependant, dès le lendemain, les protestations ont pris corps, plaçant le CEP sous les feux croisés tant de ceux qui clamaient victoire que de ceux qui criaient à la fraude généralisée. De part et d'autre, les pressions se faisaient de plus en plus fortes. La vérité, comme toujours dans ce genre de situation, se trouve bien souvent au milieu. Mais les passions exacerbées plaçaient le CEP dans un camp ou dans l'autre, alors que sa responsabilité était de respecter à la lettre les dispositions de la loi électorale concernant l'ensemble des opérations y compris le comptage, la tabulation des votes, la gestion des litiges jusqu'à la proclamation des résultats définitifs.

D'autant plus que ces contestations s'étaient dans bien des cas avérés légitimes, en particulier en ce qui à trait au rôle actif de quelques éléments de la police dans certains actes de fraude, de vols d'urnes et de falsification de procès verbaux au cours de la nuit et au lendemain du scrutin.

La publication de certains résultats partiels a été exploitée par les uns et les autres pour jeter le discrédit sur le CEP. Même la Mission d'Observation de l'OEA jugeait nécessaire de lancer une mise en garde qui a été diversement interprétée.

Tout en maintenant notre position concernant la manière dont cette correspondance de la MOE a été rendue publique, je dois reconnaître que certaines des considérations qu'elle contient nous ont permis de mieux approfondir certains aspects techniques et de calculer à nouveau le pourcentage de votes obtenus par les candidats en stricte conformité avec les stipulations de la loi électorale. Ainsi, les résultats définitifs pour les candidats au Sénat de la République ont vu seulement cinq sénateurs élus dès le premier tour. La majorité de ceux-la qui venaient par la suite en tête au moment du décompte partiel devait participer à un second tour. C'est ce qu'ont révélé le décompte final des votes et la tabulation des résultats en fonction des dispositions de la loi électorale.

Ce sont ces résultats qu'en tant que Président du CEP je comptais rendre publics, conformément aux prescrits de la constitution haïtienne, aux principes d'éthique et d'équité qui doivent être la boussole des serviteurs de l'état. En agissant ainsi je tenais à rester fidèle à l'engagement que j'avais pris sur l'honneur de respecter la volonté du peuple haïtien.

Sitôt que ma décision a été portée à la connaissance de l'Exécutif, les pressions ont commencé à se faire de plus en plus pressantes pour convertir les résultats partiels en résultats définitifs. Ceci, au mépris absolu de toutes considérations de justice, et de respect de la loi électorale.

Dès lors, ma sécurité a été gravement mise en danger car je n'ai jamais accepté de cautionner les derniers résultats électoraux incorrects et non conformes à la loi électorale. Du plus haut niveau de l'Etat, des messages non équivoques m'ont été transmis sur les conséquences que pourrait entraîner tout refus de ma part de publier les prétendus résultats définitifs. En outre, des groupes d'individus se réclamant d'un parti politique influent commençaient à exécuter leurs menaces de mettre la capitale et les villes de province à feu et à sang, de brûler et de tout détruire sur leur passage.

M'adressant un ultimatum pour la proclamation immédiate des résultats que moi je considérais comme illégitimes et incorrects, je me sentis incapable d'un tel acte de trahison envers mon pays dans ce tournant décisif de son histoire. Je compris alors que ce conflit - opposant ma position légale et constitutionnelle à l'intransigeance arbitraire du Pouvoir et à la furie orchestrée de certaines organisations dites "populaires" - devenait inévitable.

Une telle situation ne me laissait d'autre choix que celui de m'éloigner temporairement du pays pour éviter le pire et freiner ce déchaînement.

Ne défendant aucun intérêt personnel, j'ai donc décidé de tourner le dos à cette saga électorale la tête haute sans accroc à mon honneur, à ma dignité, à mon patriotisme.

Je continue à croire à la Démocratie qui met fin à la dictature et apporte à l'homme, la Liberté, la Justice, l'esprit de partage et de dialogue, le mieux être et le développement.

Je sais que des hommes vindicatifs et stipendiés n'acceptent pas que sur cette terre d'Haïti des hommes intègres capables de vivre dans la dignité. Ils sont toujours prêts à tout faire pour salir l'honneur d'honnêtes gens. D'ores et déja je les dénonce devant la conscience nationale et internationale.

Citoyens de mon pays, je continue à croire à la rédemption de notre patrie, car malgré toutes les vicissitudes de son existence, aucun peuple ne peut vivre indéfiniment dans l'ignorance, la division, l'insécurité, la misère et l'injustice.

Leon Manus




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