Haïti: Entre Crise et Espoir

Dans le cadre de cette analyse, je souhaite aborder des points cruciaux concernant la situation actuelle d'Haïti. Cette intervention s'adresse aux Haïtiens de naissance, aux membres de la diaspora, et plus largement à toute personne concernée par le devenir de ce pays et de sa population.

Il est indéniable que la situation socio-économique et sécuritaire d'Haïti est préoccupante. Après 220 ans d'une existence nationale singulière, le pays est confronté à une insécurité extrême dont les conséquences s'alourdissent chaque jour.

Mon objectif est d'engager une réflexion collective, susceptible de générer des pistes d'action concrètes pour remédier à cette crise à la fois endémique et systémique.

Dans un souci de fluidité, je m'exprimerai à la deuxième personne du pluriel, sans que cela ne remette en cause mon implication personnelle dans cette démarche. En effet, il est important de souligner que cette analyse nous concerne tous, individuellement et collectivement.

Haïti : Entre Crise et Espoir

Tandis que le désespoir enlise vos modestes aspirations à gagner votre pain, la corruption gangrène chaque étape, chaque démarche, chaque nouvel espoir.

  1. Précarité socio-économique
    La précarité sociale, l'insécurité, le coût de la vie rongent votre bien-être. Les pénuries alimentaires se font sentir dans la chair et les os. La fermeture des écoles, des commerces, des centres de santé est dictée par l'imprévisibilité du jour, tandis que les bandits sèment la terreur et la mort autour de vous.

  2. Tensions xénophobes
    Vos voisins, souvent pleins de rancœur, vous traitent d'ordures et de criminels, vous accusant de dévorer leurs animaux de compagnie, leurs chiens et leurs chats en particulier. Ils vous qualifient de serviteurs du diable, d'être des sous-hommes en un mot.

    Oubliant souvent leurs propres racines, ils promettent de vous déporter comme du bétail.

  3. Un malheur imminent
    Alors que ces sombres réalités deviennent le décor des actualités haïtiennes sur YouTube et autres réseaux d'information, toute nouvelle mission étrangère chargée de restaurer l'ordre, qu'elle soit civile ou militaire, semble déjà vouée à l'échec.

    Sans stratégie efficace, ces efforts se heurtent à de dures réalités, puisque les gangsters disposent d'armes plus lourdes et connaissent davantage le milieu.

    Les dés sont truqués, bien sûr, puisque le jeu se déroule à vos dépens; mais vous avez tant de fois défié les pronostics que beaucoup en viennent à croire que les épreuves du pays ne prendront fin que lorsque les poules auront des dents.

  4. Un début traumatisant
    Un regard en arrière révèle une nation éprouvée, depuis l'assassinat en 1806 de son Père Fondateur et même avant cette date fatidique.

    Il est rare de rappeler que des figures comme Jean-Jacques Dessalines, Capois-La-Mort, Henri Christophe et autres leaders de la victorieuse armée indigène, sont tombées victimes de luttes fratricides et n'ont en somme pas eu l'opportunité de transférer leurs talents militaires en compétences nécessaires à la gouvernance pacifique.

  5. Dette de l'indépendance
    En 1825, la France, forte d'une armada imposante, revient sur les côtes de son ancienne colonie et exige, sous menace d'une nouvelle guerre, des réparations pour ses plantations perdues, en plus d'une compensation pour ses anciens esclaves dont le travail forcé avait bâti sa richesse.

    Jugeant les nouveaux hommes libres peu enclins à renouveler une guerre qui leur avait coûté si cher, moins d'un quart de siècle auparavant le président Boyer signe - pour le malheur du peuple - un accord à rembourser aux Français 150 millions de francs.

    Selon les termes de cette dette, une banque française impose des taux d'intérêt prohibitifs.

    Ainsi, la France s'enrichit à nouveau, grâce à cette initiative digne des plus audacieuses histoires de piraterie.

    Par contre, l'infâme dette dépasse les revenus annuels de la jeune nation. Pour s'en acquitter, elle se voit contrainte maintes fois à refinancer cette dette faramineuse, dans un cycle infernal de paiements et d'emprunts, jusqu'au paiement final en 1947 par l'administration du Président Dumarsais Estimé.

    Vous pouvez certes célébrer les victoires militaires de la Révolution, mais force est de constater que la France, par ses manigances financières, a dilapidé l'essence même de l'indépendance d'Haïti, la rendant illusoire dans les affaires courantes.

    Comme si cela ne suffisait pas, l'ombre des voisins du nord se profilait à l'horizon.


  6. Occupation américaine
    En décembre 1914, l'administration Woodrow Wilson ordonne aux Marines de s'emparer des réserves d'or de la Banque Nationale d'Haïti, estimées à l'époque à un demi-million de dollars.

    Ces réserves sont alors transférées manu militari, sans date d'échéance, aux soins de la National City Bank of New York, prédécesseur de la Citibank d'aujourd'hui.

    Ne serait-il pas juste que Citibank accueille chaque immigrant haïtien avec un carnet de banque et un message de profonde gratitude?

    De 1915 à 1934, les Marines occupent le pays et contrôlent ses finances. Ils désignent vos dirigeants, les directeurs des douanes et autres postes d'influence.

    Des dictateurs corrompus et plus tard, des missions onusiennes leur serviront de substituts.

    Le sage Price-Mars avait averti en vain des dangers posés par de telles occupations.

  7. Ingérence électorale et néocoloniale
    On serait bien avisé de se méfier d'une négociation de diplomates auto-proclamés "Amis d'Haïti". Ils s'engagent à épauler, à financer, à certifier le processus électoral, si les résultats répondent à leurs espérances; ils menacent cependant de sanctions, de révocations de visas et même d'exil lorsque les résultats ne leur conviennent pas, une attitude qui résulte en moquerie de la démocratie qu'ils prêchent.

  8. À quand la sortie de crise?
    Votre sol a été souillé maintes fois par les bottes de soldats étrangers. L'année 2004 aurait dû témoigner pourtant du bicentenaire de l'indépendance. Concernés par cette bavure, les patriotes n'auront de consolation qu'à s'indigner.

    Relevez la tête, peuple haïtien!

    Une nouvelle occupation était-elle nécessaire? Combien d'autres le seront, avant que les dieux y mettent fin?

    À vos sempiternels troubles d'ordre socio-politique, trouvez une sortie de crise, tant attendue, qui reflète votre authenticité culturelle et la résolution tenace de vos âmes ancestrales.

  9. Surmonter les clivages et s'unir
    Le malheur du 12 janvier 2010 a mis à nu vos faiblesses face aux catastrophes. Les images d'union avec les déshérités n'ont duré que l'espace d'un cillement.

    Lorsque viendra un autre défi majeur, serez-vous plus forts, UNIS ou DIVISÉS en ce qui concerne les demandes d'un peuple en souffrance?

    Vous attendez-vous à ce que vos voisins traitent vos démunis mieux que vous le faîtes? Gratifiés de votre silence face aux abus qu'ils leur infligent, les voisins ne manqueront pas l'occasion d'enquérir:

    "De quelle protection jouissent ces nègres dans les quartiers et sentiers de leur propre pays?"

  10. Pour une recalibration de notre destin

    Chers héritiers d'Ayiti Toma,

    Écrivez une nouvelle page d'histoire où ll la Loi est appliquée équitablement en solidarité avec vos frères, qu'ils soient médecins ou coupeurs de canne.

    Inspirez-vous des héros qui ont fait la fierté de l'Afrique.

    Souvenez-vous de la volonté de nos Ancêtres qui nous ont donné un pays libre, arrosé de leur sang.

    Embrassez la sagesse collective des héros et héroïnes qui ont fondé la Nation et qui aujourd'hui encore font la fierté de l'Afrique, en dépit de nos présentes difficultés.

  11. Que les politiciens mettent fin aux discours stériles !
    À Ouanaminthe, un canal, bâti par la population locale aux yeux de tous, irrigue les champs et nourrit l'espoir en dépit des menaces émanant du gouvernement dominicain. Ce projet, né d'un élan populaire, a montré la voie : imaginez d'autres actions concrètes, ancrées dans le konbit culturel.

  12. Corruption administrative
    Il faut encourager la bonne gouvernance et l'intégrité à tous les niveaux de l'administration et de notre vie culturelle aussi. Ce point est si important que je vais tâcher de le traiter ici d'une manière plus élaborée.

    Sans prétendre à une expertise quelconque en matière de gouvernance, je constate depuis longtemps une discordance entre le discours et les actions des dirigeants des grandes puissances. Ils prônent la démocratie auprès des dirigeants haïtiens, tout en semblant compromettre les processus démocratiques dans les pays moins puissants, Haïti inclus. Cette contradiction a été récemment illustrée par les propos désobligeants du président français Emmanuel Macron à l'encontre des dirigeants haïtiens. Cette dissonance m'a conduit à faire rapidement une recherche sur les modèles de gouvernance en Afrique, en raison de nos affinités culturelles. L'analyse qui suit présente mes premières observations sur cette question. Je réserve d’en faire une analyse plus approfondie, en lisant les vôtres si vous voulez bien me les communiquer.

  13. Apprendre de certains modèles africains

    La corruption, héritage persistant du colonialisme, demeure un obstacle majeur au développement d'Haïti. Au lieu de constamment imiter les modèles européens, les dirigeants haïtiens pourraient également s'inspirer des initiatives anti-corruption réussies en Afrique.

    Plusieurs nations africaines offrent de précieuses leçons :

    • Burkina Faso (Thomas Sankara, 1983-1987) : Le leadership révolutionnaire de Sankara a combattu la corruption par des réformes radicales, la responsabilité publique et la redistribution des terres, réduisant ainsi la dépendance à l'aide étrangère.

    • Tanzanie (John Magufuli, 2015-2021) : Magufuli a mis en œuvre une approche de tolérance zéro à l'égard de la corruption, en menant des audits, en récupérant les biens volés et en réformant le secteur public pour éliminer le gaspillage et les "travailleurs fantômes".

    • Botswana : Le Botswana a mis en place un cadre juridique solide, notamment la loi anti-corruption. Il met l'accent sur l'intégrité du secteur public, exigeant des fonctionnaires qu'ils déclarent leurs biens. Une culture d'engagement civique et de liberté des médias favorise la responsabilisation. La gestion rigoureuse et transparente des ressources naturelles, comme les mines de diamants, profite à l'ensemble de la population.

    • Cap-Vert : La stabilité politique du Cap-Vert a permis la mise en place de mesures anti-corruption, notamment des lois sur la transparence des marchés publics et de la gestion financière. L'engagement actif de la société civile renforce encore la responsabilisation.

    Leçons clés pour Haïti

      Pour lutter efficacement contre la corruption, Haïti peut tirer des enseignements de ces exemples africains :

    • Leadership fort : Des dirigeants engagés doivent prendre des mesures concrètes et incarner l'intégrité.

    • Institutions solides : Des institutions indépendantes sont nécessaires pour assurer la surveillance, enquêter sur les actes répréhensibles et créer une culture de responsabilisation.

    • Participation du public : La participation des citoyens permet aux citoyens de tenir les dirigeants responsables. La transparence et l'accès à l'information sont essentiels.

    Bien que ces exemples africains offrent de précieuses leçons, des défis subsistent. Les stratégies de lutte contre la corruption doivent être adaptées au contexte spécifique d'Haïti.

    • Défis persistants : La pauvreté, la faiblesse de la gouvernance et les ressources limitées entravent les efforts de lutte contre la corruption.

    • Coopération régionale : La collaboration est essentielle pour lutter contre la corruption transfrontalière.

    • Rôle de la société civile : Une société civile dynamique est cruciale pour surveiller la corruption, promouvoir les réformes et sensibiliser le public.

    • Éducation : Investir dans l'éducation favorise les valeurs éthiques et sensibilise aux effets néfastes de la corruption.


    En s'inspirant de ces modèles africains et en adaptant les stratégies réussies à son contexte unique, Haïti peut lutter contre la corruption et construire un avenir plus prospère et équitable.

  14. Autres priorités

    • L'emploi ! Favoriser et protéger les investissements qui créent des emplois avec un salaire qui permet de vivre

    • En finir systématiquement avec les trafiquants d'armes illégales et ceux qui les utilisent à des fins criminelles

    • Promotion du développement agricole pour une nette réduction de la dépendance qui invite l'aide étrangère et de l'aide étrangère qui perpétue notre état de dépendance

    • Protection de l'environnement naturel (nos forêts, rivières,lacs, côtes etc.)

    • Campagne de sensibilisation de tous les citoyens à leurs droits et à leurs responsabilités


  15. Pour la renaissance nationale

    Il est important de continuer à réfléchir sur les causes profondes de la crise et sur des pistes de solution. Que pensez-vous, par exemple, des questions suivantes :

    • Quelles sont les racines historiques, sociales, économiques et politiques de la situation actuelle en Haïti ?

    • Les conséquences de l'insécurité: Comment l'insécurité affecte-t-elle l'économie du pays et son développement à long terme ?

    • Le rôle de la diaspora: Comment les Haïtiens de l'étranger peuvent-ils contribuer à la résolution de la crise ?

    • Quelles actions peuvent être entreprises, à court et à long terme, pour sortir Haïti de cette crise ?


    Dialoguons en vue de créer un GPS social pour faire bonne route, vers un avenir meilleur.

    Aussi insensé que cela puisse paraître, j'épouse cet espoir.

Guy S. Antoine
Mai 2004 - Nov 2024
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